La fille qui avait subitement très envie de faire un lip dub

Ma courge, comme tu le sais, ce week-end on vote pour le premier tour des élections régionales.

Bon, je sais ce que tu vas me dire: sur un vrai blog de fille fashion, on ne s’embête surtout pas à parler politique. Jamais. Une opinion politique un tant soit peu clairement exprimée est à peu près aussi utile à un blog sponsorisé par Marie-Claire® que, disons, un cerveau correctement irrigué peut l’être à une blogueuse qui consacre l’intégralité de ses billets à la meilleure façon de coordonner des Louboutin® avec les derniers modèles de sacs Lancel®.

Alors plutôt que de nous emmerder à évoquer les enjeux d’un scrutin qui, de toute façon, ne changera pas le visage de la mode ni même les prochaines tendances printemps-été 2010 (drapés, imprimés, nude et trench léger à coup sûr, a’gade comme je me tiens bien au courant grâce aux 100 000 blogs de modeuses francophones que tellement ils sont tous pareils qu’on a l’impression que vous êtes des clones tout droit sorties du Village des Damnés),  plutôt que de s’emmerder (disais-je) à évoquer les tenants et les aboutissants d’une forme de civisme qui n’arrivera jamais à a cheville d’un bon gros défilé Lagerfeld® dont 5% des recettes seraient reversées aux petits Haïtiens, je te propose de faire une pause musicale pour fêter le début du week-end comme il se doit.

Juste, tu noteras avec bonheur que tous les gens qui chantent dans le film, ils ont un Iphone®, donc ce sont des gens hype, comme toi, comme moi. Ils sont connectés au monde et ils prennent le train à grande vitesse  en seconde classe, même le gentil handicapé qui n’est pas dans le clip que pour les quotas (même si je soupçonne qu’ils l’ont abandonné sur le quai parce qu’ils ne pouvaient pas monter son putain de fauteuil très lourd dans le wagon). Ils rient beaucoup parce qu’ils aiment la vie et parce qu’après le tournage, ils iront tous ensemble manger au Fouquet’s puis assister au tournage du Grand Journal de Canal Plus, qui est une émission trop géniale (même que quand Ali Baddou apparaît sur ton écran, tu pleures, j’en suis sûre, parce que tu es abonnée à la page Facebook « Ali Baddou est un dieu grec »). Ils dansent bien, surtout les deux ou trois Noirs qu’on voit clignoter de temps en temps à l’image (ça s’appelle « exploiter une minorité visible à des fins électorales », comment t’expliquer? C’est un peu comme quand tu te forces à refiler dix euros à une ONG parce que tu veux pas que ta BFF top-glossy pense que tu t’en fous).

Ah oui, tu vas peut-être te dire, en regardant le clip, qu’il y a quelques acteurs que tu as déjà vus quelque part. Et en effet, oui, ma purge, tu as croisé un certain nombre de ces sympathiques figurants au cours de tes pérégrinations modesques, sur les Champs ou Place Vendôme. Tu as sans doute vaguement remarqué la gentille dame au pull à col roulé Yves Saint Laurent® ? Tu l’as probablement aperçue qui déambulait paisiblement chez Chaumet®, sur le point de choisir une bague. Celle qui a les cheveux blancs et qui ressemble vaguement à un trave, aussi, elle te dit sûrement quelque chose, c’est une égérie discrète mais solide de chez Chanel®. Le mec avec une coupe de cheveux hors-concours, dans  le style « poète maudit raté », c’est un promoteur capillaire qui fait souvent de la retape pour Alexandre Coiffeur® entre deux grosses conneries sorties en direct à la téloche, celui qui se met un tee-shirt bleu sur l’épaule, c’est un habitué de chez Galliano® et l’aveugle qui conduit un gros 4×4, c’est un has-been dans le genre de Carlos (donc tu l’as vu à la télé quand tu avais six ou sept ans, probablement au Jacky Show). Quand à la phrase d’intro (« le pire risque, c’est celui de ne pas en prendre »), si elle te semble vaguement familière, sache que c’est normal, elle a été pondue par l’homme aux six cerveaux, personnage culte s’il en est, déjà auteur du mythique « casse-toi, pôv’ con » et du non moins fameux « descends me l’dire ici, enculé » (sans parler du classique « t’es passée prendre le rôti chez Roger? » ).

Pour conclure, laisse-moi te dire que je suis d’accord avec ce que tu es sans aucun doute en train de penser au moment où tu lis ces lignes:
Oui, ils auraient définitivement dû faire preuve d’encore plus d’audace et ne pas hésiter à se déguiser massivement en clés de sol.